Peu de personnes savent combien vaut un dessin et les illustrateurs eux-mêmes ne savent pas combien vendre leurs œuvres!
Je pense qu'il est important pour tout le monde de faire de la pédagogie à ce sujet car c'est un domaine tellement flou que les abus, volontaires ou non, ne cessent de voir le jour et tue littéralement le métier de créateur!
Déjà, il faut remettre les choses dans son contexte!
Oui, être illustrateur, auteur, photographe EST UN VRAI METIER!
Ce n'est pas parce que cela concerne un domaine soi-disant "de passion" que ce n'est pas un vrai métier.
On emmerde beaucoup moins un boulanger, un médecin, ou n'importe quelle profession qui serait pourtant faite avec passion et amour du métier! Personne ne va remettre en question la rémunération de ce boulanger ou de ce médecin!
Et pour ceux qui pensent qu'un métier doit absolument apporter son lot de "trucs relous" pour qu'il soit considéré comme un vrai métier, sachez que le métier de créatif est aussi ponctué de moments chiants:
devoir gérer sa propre communication, marketing, démarcher les gens, la comptabilité des indépendants ou même devoir faire des illustrations pour des projets pas motivants du tout mais obligatoires pour gagner quelques sous, pour ne citer que ça, ne fait pas parti du plaisir de création et représente pourtant une bonne grosse partie du métier!
Malgré ça, dans le domaine créatif, on ne cesse de nous rabattre que nous devons produire gratuitement sous prétexte que cela apporte de la visibilité!
Les concours créatifs sont de vrais abus! Un visuel, un logo, une affiche, une illustration, une photo, ça se paie.
A ce sujet, je vous conseille grandement, pour ceux qui ne connaissaient pas , le tumblr "mon maçon était illustrateur" qui s'amuse des parallèles absurdes entre un métier comme maçon et un métier d'illustrateur.
Le dernier concours en date qui a fait pleurer les illustrateurs a été lancé par Matthieu Chedid (M) lui même!
L'heureux élu aura le droit d'apparaitre dans son recueil et aura 30% de réduction sur ledit livre! Une honte pour quelqu'un d'aussi connu que Matthieu Chedid qui ne se permet même pas de rémunérer correctement un autre artiste!
Le pire c'est tout le monde trouve normal de travailler des jours gratos sur une illustration pour qu'elle ne soit finalement pas publiée, et si elle l'est, le prix sera souvent "de la visibilité!"
Et en vrai la visibilité c'est une vraie connerie.
Combien d'entre vous retiendra le nom de l'artiste qui a fait l'affiche de tel ou tel festival?
Combien d'entre vous ira voir le site de l'illustrateur qui a fait le dessin de votre barre chocolatée préféré?
Combien d'entre vous va penser à acheter des photos au photographe qui a fait l'image que vous avez vu en pub sur votre arrêt de bus?
Wouaw, ce jeu de société est super beau! Mais avez-vous retenu le nom de l'illustrateur?
L'illustration ne sert que la marque qui l'a embauché! La personne ne se souviendra que de la marque, pas de l'illustrateur! Le dessin est là pour dorer l'image de la marque, du chanteur ou du jeu, pour qu'on ai envie d'acheter son produit, d'aller à son festival, pour que LUI vende plus.
Cela sert la personne qui achète le dessin, pas le dessinateur lui même! C'est l'acheteur qui gagne de l'argent grâce au dessin de l'illustrateur! Alors il est NORMAL que l'illustrateur soit payé par cet acheteur à juste mesure!
C'est d'autant plus n'importe quoi pour quelqu'un comme moi qui cherche à avoir principalement un public pour lire ma Bande dessinée.
Ma BD n'aura pas plus de visibilité parce que j'aurai accepté de dessiner gratuitement l'affiche pour le festival de la bière à Trucmuchville ^^.
Si ma BD pourra voir le jour, c'est parce que j'aurai le temps de la réaliser, le temps de communiquer moi même sur ce projet ect.
Et comme tout le monde le sait, le temps c'est de l'argent, parce qu'il faut bien qu'on se nourrisse.
Du coup, le meilleur moyen de faire vivre un auteur passe surtout par le payer décemment pour ces dessins.
Pour la BD, les plateformes comme Tipeee ou les financement participatifs sont aussi de bonnes solutions à ce jour!
Si on n'est pas payé, on ne travaille plus. On ne dessine plus. Et aucun projet BD ou autres ne verront le jour.
C'est pourtant simple...
Dessiner = Travail = Manger = Vivre = Dessiner = Travail = ect ect
Pourquoi c'est si dur à comprendre?
Vous le sentez que je suis vénère là?
Non?
Hahahaha!!
Alors dans la tête de beaucoup, on dessine comme ça, entre deux, le week end, le soir. C'est EN PLUS d'un vrai métier.
Alors, à quel moment on passe de "amateur" à "professionnel"?
Personnellement, je considère que "amateur" ou pas, tous le monde devrait pouvoir être payé pour ce qu'il fait. Après si le travail "amateur" est de bonne qualité, il mérite largement d'être payé comme un "professionnel". Et la qualité en art, c'est parfois un peu subjectif...
Sachez que, que vous ayez ou pas un job à côté, dès votre première facture, vous êtes sensé déclarer votre statut d'artiste-auteur à l'Ursaff, vous aurez donc un numéro de Siret ect.
Donc dans tous les cas, si vous vendez un dessin, vous devenez "professionnel", que ça soit votre métier principal ou pas.
Si votre travail est de mauvaise qualité, vous trouverez certes sûrement moins d'acheteurs. Mais si malgré tout votre style plait à quelqu'un, il doit vous payer normalement.
Après quand cela concerne des amis, des projets collectifs qui vous emballent vraiment, ou pour du bénévolat, vous pouvez être plus souples!
Evidement, il faut vous mettre d'accord et faire en sorte de faire les choses de manière à ce que tout le monde y trouve son compte!
Mais dans le cas contraire, il est important de ne pas se rabaisser dans ses tarifs.
Si votre client n'a pas beaucoup de budget pour une illustration, l'idéal est de lui proposer d'adapter le dessin (moins de détails, pas de couleurs par exemple) pour coller au mieux à son budget sans dénaturer totalement le projet.
L'illustrateur se doit d'être pédagogue auprès des clients qui ne peuvent pas forcément tout connaître non plus, surtout quand votre client est une petite entreprise! Dans ce cas on propose des solutions: proposer de revoir les ambitions à la baisse par exemple plutôt que de se brader complètement.
Ensuite, si le budget n'est vraiment pas adaptable, il vaut mieux refuser ces projets sous-payés...même si on est débutant...
Car le risque est de tuer le métier et cela est catastrophique pour ceux qui en font leur métier principal.
Si ce n'est pas votre métier principal, je comprend que vous serez très content de toucher 2 ou 3 euros pour un dessin car cela ne représente pas votre gagne-pain. Pour vous, ce n'est que du bonus et je comprend tout à fait!
Mais pensez à ceux qui ont décidé d'en faire leur métier, et pensez aussi à votre "futur vous", qui, peut être, aura un jour envie de tout plaquer pour vous consacrer entièrement à vos œuvres artistiques?
Le jour où cela arrivera, vous comprendrez qu'il est important de ne jamais baisser ses prix! Un acheteur choisira toujours le moins cher et les artistes qui vivent de leurs créations finissent pas ne plus avoir de contrats!
Entre ceux qui bradent leur prix et travaillent donc pour des clopinettes (et vu le prix des clopes je pense qu'on ne peut plus trop utiliser cette expression), et ceux qui ne se bradent pas mais qui n'ont plus de contrats, tous le monde vit dans la précarité! C'est un cercle vicieux!
Après, je dis tout ça, mais peut être que j'aurai le couteau sous la gorge, la précarité et l'absence de contrat finira peut être par avoir raison de mes principes et peut-être que je finirai par accepter de telles conditions.
J'espère pas. J'ose croire que se respecter soi même, respecter les autres, c'est important dans un métier, quel qu'il soit.
Comment on s'abonne pour avoir l'épisode 2 ? ^^